"Nous, Juifs contre les frappes d'Israël
Vingt-quatre ans après les massacres de Sabra et Chatila et l'appel de Pierre-Vidal Naquet, nous condamnons les attaques meurtrières de Tsahal et demandons un cessez-le-feu immédiat au Liban.
Voici vingt-quatre ans, Israël lançait au Liban l'opération «Paix en Galilée», qui allait, par les bombardements terrestres et aériens, faire des centaines de victimes civiles et qui devait aussi, du fait de l'appui apporté par Israël à ses supplétifs libanais, conduire aux massacres de Sabra et Chatila.
C'est alors que, grâce à l'initiative de Pierre Vidal-Naquet notamment, fut lancé un appel de cent intellectuels juifs qui se désolidarisaient des soutiens inconditionnels à l'opération menée par Sharon et la condamnaient. Après les massacres, un rassemblement devant l'ambassade d'Israël fut organisé par le Comité des Juifs contre la guerre au Liban pour exprimer sa colère. Vingt-quatre ans plus tard, les successeurs de Sharon ont pris la relève. Ils lancent sur le Liban des attaques meurtrières comme celle de Cana, où les victimes sont surtout des femmes et des enfants comme ce fut le cas dix ans plus tôt au même endroit.
En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, après l'enlèvement d'un soldat israélien, et prenant prétexte du tir de roquettes artisanales, l'armée israélienne, après son coup de force contre le gouvernement palestinien démocratiquement élu, tire à l'arme lourde avec, là encore, des dizaines de victimes, dont la moitié sont des civils, femmes et enfants compris, cela après avoir détruit les infrastructures assurant un minimum vital aux populations.
Précisons-le: les soussignés ne sont des inconditionnels ni du Hezbollah, ni du Hamas. Et nous avons toujours condamné les attentats-suicides contre les populations civiles israéliennes, tout comme nous déplorons, aujourd'hui, que les Israéliens soient victimes des missiles qui frappent le nord de leur pays.
Mais quoi qu'on puisse penser du Hezbollah, l'attaque qu'il a menée contre des soldats israéliens, dont certains furent tués, et d'autres, enlevés, a servi de prétexte au gouvernement israélien pour mettre en application un plan qu'il avait déjà préparé longtemps à l'avance.
Et reviennent, comme toujours, les appels à l'union sacrée et au soutien inconditionnel à Israël lancés par les institutions qui prétendent représenter la totalité des voix juives en France. Cela non plus, nous ne pouvons l'accepter. Comme en 1982, comme à de nombreuses reprises depuis, les soussignés, Juives et Juifs, reprennent les termes du dernier appel signé par Pierre Vidal-Naquet quelques jours avant sa disparition : «Assez ! Trop, c'est trop !» Il faut un cessez-le-feu immédiat et total, aussi bien au Liban qu'en Israël, en Cisjordanie et à Gaza. Il faut l'ouverture de négociations dont les premiers objectifs seront un échange de prisonniers, le retour de la sécurité et de conditions humaines pour toutes les populations concernées.
Nous demandons au gouvernement français et aux instances européennes de défendre cette position qui avec la juste solution du problème palestinien est la seule capable d'éviter une extension catastrophique du conflit.
Nous tenons, par ailleurs, à saluer nos amis israéliens qui manifestent dans des conditions très difficiles contre la politique de leur propre Etat."
Premiers signataires:
Raymond Aubrac (ancien résistant),
Rony Brauman (médecin, essayiste),
Rachel Choukroun (présidente de femmes en Noir, Marseille),
Stéphane Hessel (ambassadeur de France),
Marcel-Francis Kahn (professeur de médecine),
Pascal Lederer (animateur d'Une autre voix juive),
Perrine Olff-Rastegar (porte-parole du Collectif judéo-arabe et citoyen pour la paix, Strasbourg),
Richard Wagman (président d'honneur de l'Union juive française pour la paix, UJFP)
publicado no LIBÉRATION, 9/8/06
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